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Libération
TRIBUNE

Les aveugles et le Mur

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publié le 21 octobre 2009 à 0h00

La victoire cachera la défaite. Dans vingt jours, lorsqu’on fêtera le vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, c’est unanimement, et à juste titre, qu’on célébrera la libération de l’Europe centrale et la fin d’un système dont les plus premières victimes avaient été les Russes eux-mêmes, mais cette victoire de la liberté fut également une défaite de l’intelligence.

Cette fin du communisme, personne ou presque n'avait voulu la voir venir. Margaret Thatcher et François Mitterrand avaient perçu la rupture qu'introduisait la désignation d'un homme aussi nouveau que Mikhaïl Gorbatchev à la tête du parti soviétique. Quelques rares universitaires, américains pour la plupart, avaient su discerner dans ses réformes économiques et politiques un tournant tout aussi profond que l'avait été le rapport Khrouchtchev. Quelques-uns des correspondants en poste à Moscou s'étaient attachés à décrire comme telle ce que j'avais appelé, dans le Monde, la «mort du soviétisme», mais nous n'étions, universitaires ou journalistes, que l'exception qui confirmait la règle.

Ciment du totalitarisme, la peur pouvait régresser de semaine en semaine ; l’Arménie et tant d’autres, bientôt, des Républiques soviétiques, pouvaient contester le pouvoir central et demander plus d’autonomie avant d’exiger leur indépendance, mais cela ne comptait guère aux yeux des soviétologues. Mikhaïl Gorbatchev pouvait encourager la presse à parler vrai pour l’aider à mobiliser le pays en faveur de cha