En tenue de camouflage, l'air rude qui sied à un ancien combattant, le policier se penche vers les deux femmes assises sur le banc à proximité de la nouvelle mosquée au centre de Grozny, la capitale reconstruite de la Tchétchénie. «Vos foulards, grince-t-il entre ses dents. Mettez-les sur la tête !» La plus âgée, l'occidentale (qui est en l'occurence l'auteure de ces lignes), s'exécute machinalement. La plus jeune, une frêle Caucasienne de 25 ans aux cheveux bruns et bouclés, fait mine de ne pas l'entendre. Le policier revient, avec un collègue cette fois. La jeune fille ne cède pas. Elle se lève et s'en va.
Raïssa, l'irréductible, porte le prénom de la femme de Mikhaïl Gorbatchev, un nom fleurant bon la perestroïka qui l'a vu naître, sonnant comme une promesse de liberté. Une promesse déçue. La jeune femme ne veut pas savoir qu'elle se trouve dans le jardin qui jouxte la grande mosquée rutilante, un édifice qui a changé le visage de la capitale tchétchène. «Quand je suis à la mosquée, je mets mon foulard et une robe longue, et je prie. Après, personne n'a le droit de me dire comment je dois m'habiller», dit-elle avec un air de défi. Ce n'est pourtant pas tout à fait vrai. Depuis la rentrée 2008, le voile est obligatoire dans les établissements scolaires et universitaires, pour les élèves comme pour les enseignantes.
Prof d'anglais dans un collège, Raïssa manifeste sa rébellion par un geste. «Quand j'entre au collège, je mets mon foulard. Quand j