L’Europe est une chauve-souris : je suis oiseau, voyez mes ailes - je suis souris, vivent les rats. Animal hybride, elle appartient à deux espèces politiques, l’une nationale et l’autre supranationale. En termes savants, l’Union est une confédération d’Etats souverains : selon une logique fédérale, beaucoup de choses sont décidées à Bruxelles, par la Commission, ou à Strasbourg, par le Parlement. Mais toujours les gouvernements nationaux, détenteurs de la souveraineté populaire, gardent un droit d’initiative et de veto. Dans le monde tel qu’il va, où les questions essentielles de la vie ont une dimension de plus en plus internationale, cet équilibre n’a de sens que s’il évolue vers un pouvoir unitaire, seul capable de faire équilibre aux grandes féodalités économiques mondialisées.
C’est ce mouvement progressif mais indispensable que les gouvernements de l’Union sont en passe d’interrompre. La désignation d’un président de l’Europe et d’un ministre des Affaires étrangères aurait dû être un pas vers l’intégration. Jaloux de leur ancien pouvoir, les nations s’ingénient à vider cette réforme de sa substance. Inquiets de voir ces deux fonctions prendre trop d’importance, elles veulent y nommer des ectoplasmes. C’est faire tourner à l’envers la roue de l’histoire sur une planète de plus en plus interdépendante. L’esprit européen ne saurait être un esprit de clocher. Les Etats nationaux cherchent à sauver les oripeaux de leur antique solitude. C’est peut-être leur intérêt. Ce n’est