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Libération
Interview

Que reste-t-il de l’universel européen ? Edgar Morin et Paul Thibaud

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publié le 27 novembre 2009 à 0h00

Edgar Morin Sociologue, philosophe.

Paul Thibaud Philosophe, essayiste, ancien directeur de la revue Esprit.

En 1989, le Mur chute, l’Europe triomphe. Elle vient de mettre fin à son dernier schisme. Au nom de valeurs universelles, sa civilisation s’est mondialisée. Paradoxe : depuis 1989, l’Europe semble plus préoccupée par l’organisation de sa monnaie et de son marché que du rayonnement de son humanisme héritier de Rome, Athènes et Jérusalem. Que reste-t-il de l’universel européen ?

Paul Thibaud : 1989 a été une victoire par forfait. Après quarante ans, les deux adversaires n'étaient pas en forme. Pierre Hassner disait qu'entre communismes et démocraties c'était une course à qui se décomposerait le premier. On a vu ! Mais cette victoire a été comme la réalisation d'une utopie résignée, celle du «rien de mieux à proposer» que ce que connaissait un Occident en marasme politique, apathie civique, panne d'idées, pour réformer ou relancer son modèle socio-économique de l'après-guerre. C'est donc dans un marché que l'Europe de l'Est a été reçue. Le monde que nous connaissons a pris forme à ce moment-là, c'est celui qui a congédié la politique et vit une mondialité quasi mécanique dont l'Occident est le foyer, même (là est la différence) s'il ne la maîtrise plus.

Edgar Morin : L'effondrement du mur de Berlin fut une liesse incroyable. J'avais le sentiment d'un nouveau commencement, la démocratie triomphait. C'était l'Europe enfin unie. Il y avait une soif d'Europe dans tous les pays sous hégémonie communiste. Mais, on n'avait pas prévu le déferlement du capitalisme et ses conséquences désastreuses. La direction de l'URSS a cru candidement au message des Chicago boys, du libéralisme économique qui a introduit le déchaînement des mafias et non la libre concurrence. L'un