«Te trompe pas de bulletin, c'est celui-là qu'il faut mettre dans l'urne !» Ana a installé sa table pliante sur la place Cagancha, dans le centre de la capitale uruguayenne. Entourée de drapeaux rayés rouge, bleu et blanc, les couleurs du Frente amplio («Front large», coalition de gauche au pouvoir depuis 2004), elle distribue les bulletins de vote pour le second tour de la présidentielle, dimanche. Sur les photos disposées autour d'elle, le candidat du Front, José Mujica, 74 ans, sourit amicalement. Ces derniers jours de campagne, les partisans de l'ancien leader du Mouvement de libération nationale-Tupamaros (MLN-T, extrême gauche) tenaient la rue à grand renfort de cortège de voitures klaxonnantes ornées d'affiches de Mujica et de Danilo Astori, son choix pour la vice-présidence.
Au point que les militants du Parti national (droite) qui soutiennent l'ex-président ultralibéral Luis Alberto Lacalle (1990-1995) semblent avoir disparu. «On va se retrouver avec ce vieux gauchiste à la tête du pays, c'est à pleurer», se désole Tony, un supporteur de Lacalle. De fait, les derniers sondages donnent tous Mujica vainqueur avec près de 10 points d'avance sur son adversaire. «Je crois que le résultat sera conforme à nos attentes, estime Jorge Brovetto, président du Frente amplio, dans la droite ligne du premier tour, où José Mujica avait obtenu 47,5% des voix.» Mujica, qui a longtemps affirmé qu'il n'était «pas fait pour être président»