Tous les soirs, au téléphone, il entend la même question : «Papa, qu'est-ce qu'on va faire ?» Les doigts se crispent sur le déambulateur ; Hector Diaz tente d'oublier la douleur qui irradie le moignon malgré les analgésiques, et il bafouille un mensonge rassurant à celui de ses dix enfants qui, à des heures de route de là, se demande comment survivre. «J'ai toujours trouvé de quoi nourrir ma famille», répète-t-il. Il respire à goulées lentes, économise ses gestes. «Je travaillais dans les champs… Je vais trouver autre chose.»
Dans la salle de réhabilitation de l'hôpital de Medellín, le paysan colombien apprend lentement à vivre sans sa jambe droite, détruite en marchant sur une mine artisanale, il y a moins de six semaines. Comme lui, une dizaine de civils arrivent tous les mois dans ces installations, les membres hachés, la chair constellée de mitraille, parfois aveugles ou défigurés. «La guérilla devrait enlever ces engins quand l'armée ne tombe pas dessus», lâche le mutilé. Il sait que sa prière ne sera pas entendue.
Le pays le plus touché
Les groupes d’extrême gauche des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et de l’Armée de libération nationale (ELN), et dans une moindre mesure leurs ennemis paramilitaires, ont trouvé dans les mines un «soldat parfait». Face à une armée qui se renforce constamment en hommes et en matériel depuis l’an 2000, les rebelles les sèment pour protéger leur fuite ou provoquer des embuscades,