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Libération
TRIBUNE

La Suisse, toujours propre sur elle

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par Lionel Baier, Réalisateur lausannois.
publié le 4 décembre 2009 à 0h00

C’est quoi dégueulasse, demande la fille au garçon couché sur le pavé ? Jean Seberg paraît bien pâle, mais vivante. Jean-Paul Belmondo est beau, mais déjà mort. C’est un Suisse qui organise cette image, qui fait poser cette question à l’actrice américaine. Je ne crois pas que cela soit anodin. C’est quoi dégueulasse ? Voilà une interrogation bien naïve pour un Français ou un Polonais. Dégueulasse, c’est quand trois miliciens de la sécurité intérieure torturent à mort Jerzy Popieluszko avant de le jeter dans la Vistule, ou c’est André Tulard constituant son «fichier juif» bien utile à la police française lors de la rafle du vélodrome d’Hiver. Mais pour un Suisse, c’est quoi dégueulasse ?

Chez nous, pas de chars écrasant les étudiants, pas de gégène, pas d’enfants esclaves, pas de fosses communes ou de crimes contre l’humanité. Nous n’avons été en guerre contre personne depuis 1515. En Suisse, rien n’est dégueulasse. Les trottoirs sont lisses, les pistes cyclables repeintes tous les deux ans et les déchets triés. Rien n’est sale, rien n’est à cacher. Il n’y a pas de quoi avoir honte. C’est d’ailleurs ce que l’on peut entendre aux zincs des cafés après la votation de dimanche interdisant la construction de nouveaux minarets en terre helvétique. Nous nous sommes livrés à l’expression la plus pure de la liberté : nous avons voté en notre âme et conscience. Qui oserait émettre le moindre jugement de valeur contre le résultat de ce grand rassemblement citoyen ? Les Etats-Unis de Gua