Pendant vingt ans, Antonina et Gueorgui ont été mariés sans jamais oser se confier qu'ils avaient l'un et l'autre grandi dans les «colonies spéciales», ces orphelinats disciplinaires pour les enfants d'ennemis du peuple emprisonnés ou «liquidés» par Staline. Ils se sont séparés, puis remariés, et vingt ans encore passèrent jusqu'à ce que, par hasard, à l'occasion de la visite d'une vieille tante, ce double passé tragique fût évoqué. C'était en 1987, en pleine pérestroïka de Mikhaïl Gorbatchev. Tous deux décidèrent néanmoins de n'en rien dire à leur fille Olga, car «ils craignaient encore une réaction communiste et pensaient que l'ignorance de ce passé familial pourrait la protéger».
C’est une histoire parmi tant d’autres, tristement banales et poignantes, que raconte l’historien Orlando Figes dans son livre sur le quotidien de la peur sous Staline, écrit à partir de centaines d’interviews de rescapés du goulag mais aussi de leurs proches. Il ne s’agit pas de raconter ce que furent les purges des années 30-40 et la «grande terreur» mais d’en montrer les conséquences dans la psychologie et la vie au quotidien.
Machine. «Beaucoup de livres décrivent la terreur sous ses aspects extérieurs - arrestations et procès, asservissement et tueries au goulag -, mais les Chuchoteurs est le premier ouvrage à explorer en profondeur son influence sur la vie personnelle et familiale. Qu'en fut-il de la vie privée des Soviétiques sous le régime stalinien ? Que pensa