Il était une fois la «perle des Antilles», le surnom que lui donnèrent les colons français de l’Ancien Régime puis, quelques siècles plus tard, dans les années 60, les opérateurs de tourisme. Haïti est devenu depuis, aux yeux du monde, le «pays maudit» par excellence, qui égrène régulièrement son chapelet de catastrophes. Avec, en prime, des attributs et des épithètes sulfureux : vaudou, sorciers, tontons macoutes, chimères ; ou encore le parfum fantasmé du rhum et des pulpeuses mulâtresses meneuses de lubriques sabbats.
Haïti, c’est vrai, est accoutumé aux records, et le tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince promet d’en inscrire de nouveaux. La «punition» haïtienne ne relève pourtant pas de la nature, égalitaire dans ses bienfaits et ses châtiments. Elle est le fait du facteur humain et des inégalités entre nations. L’onde tropicale (tempête Gordon) qui a balayé le nord-ouest de l’arc caraïbe en 1994 a causé la mort de 3 000 à 5 000 personnes dans la région de Jacmel (sud-est), noyées ou ensevelies dans des glissements de terrain, se contentant de quelques victimes sur le millier de kilomètres de côte cubaine. La même disparité de bilans se répète de catastrophe en catastrophe, mais pas seulement au détriment d’Haïti. La litanie des statistiques est formelle : les pays les plus pauvres, les moins organisés, paient toujours un plus lourd tribut.
Jusqu'au XVe siècle inclus, le futur Haïti, qui s'appelle déjà ainsi - le mot arawak signifie «hautes terres»