«Hier, je suis sortie toute la journée avec ma collègue Rachèle Magloire et, de façon paradoxale, je me suis sentie mieux que de rester terrée dans notre campement à Pétionville.
Naturellement, c’est un mieux relatif, mais de voir ce qu’il en est vraiment permet de se détacher de ses propres peurs. Spectacle d’apocalypse de tous côtés. Sur tout le parcours de Nazon, de la route de l’aéroport jusqu’à Lalue, des douzaines de corps alignés sur les trottoirs, en attente d’être ramassés et amenés à des fosses communes, les gens marchent, marchent, portant des foulards ou des masques sur la bouche, car l’odeur de mort se répand.
Sur la place du Canapé Vert, des gens nous crient qu’il y a des vivants enterrés sous d’énormes masses de béton effondré,. Que pouvons-nous faire? Ils sont fâchés, se sentant impuissants et abandonnés… A Pétionville, la place Saint-Pierre et la place Boyer sont transformées en immenses campements, où vivants et blessés se mêlent, l’odeur d’urine est déjà insupportable…
Je suis finalement allée jusqu’à chez moi, mon quartier est un spectacle de désolation, la plupart des maisons applaties comme des galettes. En fait je n’ai plus de maison mais, miraculeusement, j’ai pu récupérer l’essentiel, équipement photo, passeport, carte verte, car mon petit gardien a passé la nuit ici, veillant à ce que les voleurs ne s’approchent pas, il s’occupe aussi de ma pauvre chienne presque aveugle qui était enfermée à l’intérieur au plus fort du tremblement de terre.
Son dévoueme