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Libération
De notre envoyé spécial

Port-au-Prince, entre la vie et les morts

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Dans les rues de la capitale haïtienne, l’envoyé spécial de «Libération» a rencontré des survivants désespérés qui attendent les secours au cœur du chaos.
Deux habitants de Port-au-Prince parmi les corps de victimes du séisme devant la morgue de la capitale haïtienne (© AFP Juan Barreto)
publié le 15 janvier 2010 à 0h00

L'homme s'éponge le front et ôte le bandeau de chiffon blanc qui lui recouvre la bouche pour aspirer une goulée l'air. Il a terminé sa besogne. A ses pieds, un corps emmailloté dans un drap blanc. Quelques taches de sang affleurent à travers le coton. C'est sa femme. Lorsque la terre a tremblé, mardi, Adrien Saint-Louis était chez lui, dans la banlieue de Bariajour, avec ses deux enfants, un garçon de 9 ans et une fille de 13 mois. Micka, sa femme, était encore au travail, à l'ONU, avenue Christophe, dans la boutique de photocopie qu'ils tiennent tous les deux. Elle a été ensevelie sous les décombres, avec plusieurs autres. Adrien a attendu tout un jour. Il fallait s'occuper des enfants, sortir les matelas pour dormir dehors parce que «la maison est scellée et on a peur que ça bouge à nouveau». Hier matin, il est venu avec deux beaux-frères, muni d'une petite scie, un marteau, un burin, de gants en caoutchouc et de masques de fortune. «Personne n'a commencé à se déployer, alors on a décidé de se débrouiller tout seuls. Ici, c'est comme ça, c'est chacun pour soi.»

KO debout. Ils ont travaillé une bonne heure pour dégager le corps de Micka qui affleurait du béton et de la ferraille. La veille, un homme a été dégagé vivant au même endroit. Il serait à l'hôpital, avec de multiples fractures. «Maintenant, on ne sait pas comment la ramener, raconte Adrien, les yeux baissés vers la civière. Il n'y a pas de transports, pas de morgue, pas de nour