Les quatre hommes traversent la foule des pillards, fusils-mitrailleurs M16 et tenues camouflage. Des soldats américains en reconnaissance. La multitude suspend son souffle. Ils marquent un arrêt, demandent leur chemin, se mettent à l'abri sous une arcade branlante, en formation de combat. «Pas là, pas là, crient les gosses, ça va s'écrouler !» Après un bref échange au talkie-walkie, ils rebroussent chemin. Deux minutes plus tard arrivent des Humvees, chargés de GI. Les renforts passent leur chemin, ils sont en route pour aller sécuriser le palais présidentiel en ruines, où Bill Clinton a effectué une brève visite lundi.
L’armée américaine est en ville mais elle n’est pas - encore - là pour empêcher le désordre. Une semaine après le tremblement de terre qui a ravagé la capitale haïtienne, la vie reprend. Avec son cortège de débordements. Depuis dimanche, des milliers de pilleurs venus des quartiers populaires ont envahi le vieux centre de Port-au-Prince. Ils ont investi la Grand-Rue, la principale artère commerçante de la ville, cherchant à forcer les magasins et les entrepôts restés intacts. Le bouche-à-oreille va vite, car les commerçants sont également là, parfois accompagnés de sociétés de sécurité privées, pour vider leurs magasins avant qu’il ne soit trop tard.
Un homme corpulent au long catogan, lunettes noires et chemise largement ouverte, surveille l’évacuation de son stock de tissu par des camions blindés rouges, loués pour l’occasion. Il brandit son pistole