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TRIBUNE

«Dead end» à Port-au-Prince : un cinéaste retourne chez lui

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par Raoul PECK, Directeur de la Femis, réalisateur et ancien ministre haïtien de la Culture
publié le 29 janvier 2010 à 0h00

Ces lignes devraient s’intituler billet d’un monde sans retour ou, plus proche de la vérité, chronique macabre d’un pays qui n’existe plus.

Je rencontre les amis survivants, qui n’arrivent pas à comprendre comment et pourquoi ils ont survécu. J’écoute incrédule l’histoire de ceux qui n’ont pas survécu. Assis l’un en face de l’autre dans le même bureau, l’un va survivre, l’autre pas. Un appel téléphonique a permis à l’un de sortir d’une salle, pas à l’autre. Il disparaît sous une chape de béton puis, par un retour de pendule, une ultime secousse le projette sur le toit, indemne et sans une égratignure. Deux amies sortent cinq minutes avant la fermeture des bureaux. Celle qui précède s’en sort, l’autre, pour une fraction de seconde, est prise sous l’amas de béton et de fer. Toutes les combinaisons possibles se sont répétées ainsi à l’infini. Les rues, les terrains de football, se sont transformés en une multitude de camps de réfugiés. Une nouvelle vie s’organise. On a tort de penser que c’est provisoire. Connaissant les carences de mon pays et n’attendant non plus aucune constance ni de suite dans les idées de la part de la communauté internationale (Haïti ne sera pas le premier cas d’abandon médiatico-humanitaire), ce provisoire se transforme déjà sous nos yeux (malgré le déni des dirigeants haïtiens et étrangers) en définitif.

Premier constat : encourageant. Une fois encore, la population haïtienne dans son ensemble -pauvres et riches, élus locaux, médecins, simples citoyens-