La nuit est tombée depuis de longues heures déjà sur la capitale allemande, et le froid est particulièrement mordant en ce mois de février. Surtout pour Stanislaw, Andrzej et leurs compagnons d'infortune. Les mains rougies par le froid, les yeux cernés, ils arrivent par petits groupes ou seuls, lourdement chargés. Cette nuit-là, ils dormiront quelques heures au chaud, roulés en boule dans un coin de la salle commune de la Berliner Stadtmission. Cette œuvre caritative protestante accueille les plus démunis près de la gare centrale, chaque nuit de 21 heures à 8 heures du matin, entre le 1er novembre et le 31 mars. 150 des 10 000 sans-logis de Berlin y passent la nuit depuis l'arrivée du froid. Un quart d'entre eux viennent d'Europe de l'Est.
«Nous ne refusons personne : les hommes, les femmes, leurs chiens, les Allemands et les étrangers, les clandestins et les malades, explique Christina Zimmermann, la jeune femme chargée de coordonner l'équipe de bénévoles qui accueille les sans-abri. La seule condition est de respecter le règlement. Les drogues, l'alcool, les armes et la violence sont interdits. A minuit, on baisse la lumière, c'est tout. Notre priorité, c'est que personne ne meure de froid.» La soirée commence par une veillée religieuse. Les bénévoles, pour la plupart très jeunes, entourent Christina, à la guitare. Une grande croix de bois au mur rappelle que l'on est dans un lieu de prière. Massés dehors, les SDF s'apostrophent bruyamment. A 21