L’Italie est-elle un pays normal ? L’anomalie que représente Berlusconi - le fait qu’il concentre le pouvoir politique et médiatique, qu’il utilise le Parlement comme «usine» à fabriquer des lois destinées à le sauver des tribunaux, qu’il vomisse sur la magistrature, qu’il critique sans arrêt la Constitution, qu’il réduise la politique à des blagues et des déclamations histrionesques, qu’il traîne derrière lui les casseroles de ses scandales sexuels - inciterait à répondre non.
Mais il y a plus. Ce qui frappe, par exemple, c'est qu'après avoir été qualifiée de laboratoire avant-gardiste de l'Europe, l'Italie, aujourd'hui, régresse à un statut «provincial». Sa classe politique elle-même est provinciale, voyage peu, ne parle que rarement anglais. Le rôle central encore attribué à la télévision demeure «années 80». On va «en» télévision endimanché, tout est entertainment, pub, talk shows hurlés, fesses et dentelles, les émissions d'enquête sont rarissimes, celles, de réflexion, auxquelles participeraient philosophes, historiens, sociologues, psychanalystes ou hommes de sciences n'existent pratiquement pas. Un soir sur deux, sur Rai Uno, animée par un inamovible journaliste doucereux et caudataire, il y a Porta a porta, sorte de messe à laquelle participent toujours les mêmes leaders politiques, et qui n'est pas loin de remplacer Chambre et Sénat. Très rarement, dans le public des émissions politiques, sportives ou de variété, on voit un Noir ou un Méti