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Libération
TRIBUNE

Afghanistan : la désastreuse victoire de l’Helmand

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Un hélicoptère Blackhawk s'apprête à atterrir guidé par un Marine américain, le 18 février 2010 à Trikh Nawar, près de Marjah, en Afghanistan (AFP Patrick Baz)
par Gilles Dorronsoro, professeur de sciences politiques à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’Afghani
publié le 19 février 2010 à 0h00

L’armée américaine a déclenché une offensive majeure dans la province de l’Helmand destinée à contrôler la vallée centrale, où vit la grande majorité de la population. L’issue des combats ne fait pas de doute : les forces américaines, symboliquement appuyées par l’armée afghane, vont prendre la bourgade de Marjah. Pourtant, cette opération révèle des failles majeures dans la stratégie occidentale.

En premier lieu, l’absence de relais afghan oblige les troupes de la coalition à rester pour un temps indéterminé dans les districts conquis. Contrairement au discours officiel de l’armée américaine, il n’y a pas d’Etat afghan prêt à être installé à Marjah. Depuis l’élection présidentielle frauduleuse de l’été dernier, il est même difficile de parler d’un Etat afghan. Karzaï, soutenu par des hommes forts largement autonomes par rapport à Kaboul, n’a pas les moyens, ni la légitimité, pour reconstruire un Etat. Dans l’Helmand, les réseaux familiaux et tribaux alliés à Karzaï pourraient revenir au premier plan, alors que c’est leur impopularité qui a facilité la percée des talibans, il y a quelques années. L’alternative est une administration directe de l’armée américaine, avec tous les risques d’une réaction nationaliste. Sur un plan sécuritaire, la police et l’armée afghane sont incapables de résister à la pression des talibans. Pour la coalition, la «victoire» de Marjah est un piège, car les forces américaines ne peuvent plus se retirer sans offrir aux talibans une victoire politiqu