On la remarque à peine. Ce jour-là, Valentine est noyée dans la masse des fidèles rassemblés à l’église Saint-Roch de Bruxelles. Dehors, un ciel gris assombrit les mornes façades qui longent la chaussée d’Anvers. A l’intérieur, l’ambiance est électrique.
Des centaines de bras levés s'agitent comme des vagues. L'assistance chante, danse, bousculant les chaises en plastique pour mieux se déhancher, saisie d'une transe collective qui réjouit le vieux prêtre, l'un des rares Blancs présents à cette messe : «Quelle gaieté ! s'exclame-t-il, ravi, on ne voit pas ça d'habitude en Europe… Ici on a l'impression d'être à nouveau évangélisé !» La plupart des fidèles sont des immigrés africains. Des Rwandais surtout, comme Valentine. Ce jour-là, c'est un peu sa fête. Elle a beau se faire discrète au milieu de la foule, tout le monde sait qui elle est : Valentine Nyiramukiza, la dernière voyante. Celle qui continue à voir la Vierge, héritière d'un étrange phénomène dont on célèbre justement le souvenir, ce jour-là, à l'église Saint-Roch. L'histoire remonte aux années 80, elle s'est jouée bien loin de Bruxelles : à Kibeho, au sud-ouest du Rwanda.
Guérir les possédés
Dans cette petite localité isolée, à partir de 1981, des enfants commencent soudain à avoir de mystérieuses visions divines. Ce sont surtout des filles. L'une après l'autre, elles vont succomber à une curieuse contagion mystique : figées dans l'extase, elles affirment voir apparaître la Vierge qui descend du ciel