Pourquoi raconter Haïti, quarante jours après le tremblement de terre à travers huit témoignages ? Tout est parti d'une réflexion faite par un jeune religieux, le père Abélard Thomas, curé de Saint-Gérard, rencontré un matin dans sa paroisse dévastée. On quitte un homme fatigué, doutant de lui-même et accablé devant la tâche qui attend le pays. Il a alors cette phrase à l'heure où la distribution de vivres s'organise devant son presbytère : «Vous allez repartir et puis nous oublier. Je sais bien comment cela se passe : une information chasse l'autre, n'est-ce pas ?»
Pour ne pas oublier, pour ne pas abandonner Haïti, Libération est allé à la rencontre d'hommes et de femmes et leur a demandé d'évoquer leurs craintes, leurs doutes et leurs espoirs. Par exemple comment imaginent-ils l'avenir ? Comment voient-ils la reconstruction alors que les tentes manquent et que la saison des pluies arrive ?
Nous avons donné la parole à des professeurs d'université comme Michèle Oriol ou Auguste D'Meza. Ils sont pessimistes quant à l'avenir et craignent que «les démons» ne soient déjà de retour. Comprendre la corruption. «Prenez le Parlement, dit la première, on peut mettre la moitié de ses membres en prison sans risque d'erreur judiciaire, tant ils sont liés aux cartels de la drogue.» Nous avons également interrogé Matthias Pierre, quinquagénaire et homme d'affaires, qui a lui aussi des accents pessimistes : «On a cessé de rêver depuis deux cen