Pendant des années, quand je disais que j'avais grandi au Rwanda, j'avais droit à des yeux écarquillés, et puis il y a eu Dian Fossey et ses Gorilles dans la brume et le génocide. Le «pays des mille collines», confetti au cœur de l'Afrique centrale, est brutalement devenu une tache de sang sur le continent noir, projetant avec fracas des images insoutenables. En direct. Vu de l'Occident, le Rwanda est devenu en quelques mois le «pire» de l'humanité, le théâtre d'une sauvagerie incontrôlée. L'«horreur», l'«insondable», le «on-ne peut-pas-comprendre», disaient en chœur les médias, les politiques et une longue cohorte de bien-pensants assis sur leurs certitudes à Paris, à Washington ou à Berlin.
Alors, quand j'ai entendu un journaliste de radio qui, pour donner le «cadre» de la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, récitait les généralités d'une encyclopédie sur Internet pour expliquer ce qu'était ce «petit pays très pauvre» d'Afrique, je me suis dit que je devais bien à la terre où j'ai grandi une part de vérité. La mienne certes, mais que partagent beaucoup de ceux qui y ont vécu, des Européens, des Nord-Américains, des Rwandais aujourd'hui installés en France ou en Belgique.
Le Rwanda ne peut pas se résumer à quelques semaines de folie sanguinaire, ni à son histoire coloniale. Comme les autres pays du continent noir, le Rwanda a été découpé - traits grossiers, ratures, coups de gomme - par les Européens embarrassés de ces territoires entre volcans et