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Libération
grand angle

Un reporter plein d’imagination

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Grande plume du journalisme, le Polonais Ryszard Kapuscinski a pris des libertés avec la réalité, dénonce son biographe. Polémique.
publié le 8 mars 2010 à 0h00

«Cher ami, bien sûr que je me souviens. Cela s'est passé hier. Hier ou presque, pourtant c'était il y a un siècle. Dans cette ville, mais sur une autre planète qui maintenant s'est éloignée. Comme les souvenirs se mélangent ! […] J'ai passé beaucoup de temps aux côtés de l'Empereur au ministère de la Plume. Hailé Sélassié arrivait (chaque matin) dans l'une des vingt-sept limousines de son parc automobile privé. Il appréciait particulièrement les Rolls-Royce en raison de leur ligne majestueuse et digne. Je me souviens que son altesse fut la première à introduire les voitures en Ethiopie. Elle réservait toujours un accueil bienveillant aux enthousiastes du progrès technique que malheureusement notre peuple traditionnel traitait avec mépris.»

Dans l'un de ses livres les plus célèbres, le Négus, l'écrivain-journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, décédé à 74 ans en 2007, raconte le règne absurde et sanguinaire d'Hailé Sélassié, empereur qui se prenait pour un dieu, au pouvoir de 1930 à 1974 en Ethiopie. Unique correspondant à l'étranger de l'Agence de presse officielle polonaise, la PAP, depuis 1964, il s'est rendu plusieurs fois en reportage dans le pays. Surtout, il y retourne peu après la chute du tyran, destitué par des colonels qui promettaient une révolution. Il recueille alors des témoignages d'anciens proches du Négus, serviteurs de la cour, certains chargés d'essuyer les chaussures des dignitaires souillés par le chien japonais du roi des rois, d'autre