Maud Gauquelin, 32 ans, doctorante en anthropologie sociale, a vécu au Nigeria entre 2006 et 2008 et travaillé sur le conflit qui minait déjà la ville de Jos. Aujourd’hui rattachée au Centre d’études interdisciplinaire des faits religieux (CEIFR), elle explique en quoi les causes religieuses, ethniques et politiques du conflit sont étroitement imbriquées.
Les chrétiens à Jos s’estiment victimes des musulmans, alors que les violences sont le fait des deux communautés. Pourquoi cet état de fait ?
Les seize Etats du nord de la fédération nigériane appliquent tous la charia, sauf l’Etat du Plateau, où se trouve Jos. Les chrétiens se vivent comme des résistants. Le Plateau est pour eux la dernière frontière, avant que le pays tout entier ne bascule sous la loi islamique.
A quand remonte ce conflit interreligieux ?
Avant la colonisation et l’arrivée des missionnaires, les populations de l’actuel Etat du Plateau étaient animistes. En 1804-1805, une guerre sainte a été lancée par un chef musulman pour les convertir à l’islam, jusqu’au nord du Cameroun et au sud du Tchad. Beaucoup ont résisté. Avec l’arrivée des missionnaires, l’ethnie Berom, à Jos, est entrée dans la Church of Christ of Nigeria (Cocin). Comme d’autres Eglises indigènes et autonomes, elle a repris le projet des missionnaires d’évangéliser le Nord musulman.
Etre chrétien ou musulman, à Jos, est-ce plus important qu’être nigérian ?
Oui, le facteur religieux implique une gamme d’options sociales antinomiques. La monogamie des chrétiens et la place qu’ils accordent à la femme s’opposent à la polygamie de certains, chez les jeunes musulmans, qui pensent aussi que la charia est une bonne chose pour lutter contre la corruption, la pornographie et le vol. La charia n’est pas une fin