Les lauriers de Mme Thatcher obsèdent les leaders occidentaux. Ne passe-t-elle pas pour avoir «inventé» Gorbatchev, en l'adoubant prophétiquement ? Si la fin de la guerre froide, c'est lui, l'aura qui le nimbe, c'est elle. Pareils miracles n'ont lieu qu'une fois, après, la surprise s'évente. Pourtant, l'Elysée entend reproduire le sortilège avec Dimitri Medvedev. Effacées comme par magie ses longues années de loyaux services poutiniens, le nouveau prince charmant conquiert les quais de la Seine et les stratèges élyséens discréditent comme «angélique» ou «droit-de-l'hommiste» toute critique touchant la nouvelle lune de miel franco-russe. A mes yeux c'est l'inverse : la grande fraternisation Paris-Moscou ne relève pas du réalisme, mais d'une conduite magique et de ses faux calculs.
Le rêve de transmuer à distance la politique du Kremlin berce l'Occident depuis longtemps. Certes, Poutine s'est révélé bien plus coriace que ne le prévoyaient Blair lorsqu'il l'invita à l'opéra, Bush lorsqu'il lut «good guy» dans le bleu de ses yeux, Chirac lorsqu'il lui épingla la grand-croix de la Légion d'honneur et Schröder qui lui vendit son âme et son carnet d'adresses. N'épargnant pas les civils - 200 000 Tchétchènes tués -, bafouant les bonnes manières démocratiques, administrant quotidiennement la preuve que le KGB n'est pas l'ENA, le tsar moderniste qu'on nous promettait n'a pas tenu son rôle. Rebelote : si Poutine n'est pas un démocrate, il nous offre sur un plateau d'