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Libération
Reportage

La vie à petit feu

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Depuis 1962, un feu de mine consume le sous-sol de Centralia, en Pennsylvanie. Evacuée dans les années 80, la ville a été rasée. Quelques irréductibles restent pourtant attachés à leur terre brûlée.
publié le 20 mars 2010 à 0h00

Tom, l’ancien postier de Centralia, donne rendez-vous au cimetière. De tout ce qui reste de cette petite ville de Pennsylvanie, c’est presque l’endroit le plus vivant. Des petits drapeaux américains décorent les tombes, ils tiennent plus longtemps que les fleurs et colorent le paysage de rouge et de bleu. Du cimetière catholique, ou du carré orthodoxe juste derrière, on peut voir aussi ce phénomène un peu étrange qui a brisé le destin de cette bourgade : la terre fume. Depuis 1962, un incendie souterrain ravage galeries et boyaux de la mine de charbon qui s’étendait directement sous la ville. Par des centaines de fissures ou de crevasses, la fumée s’échappe, suggérant un enfer, prêt à happer les derniers vivants qui s’obstinent encore par ici. En 1981, un gamin avait failli être englouti dans une de ces failles. Peu après, les autorités locales et fédérales avaient organisé le déménagement de toute la population, et détruit les maisons au fur et à mesure qu’elles se libéraient. Centralia, fondée en 1866, n’existe plus. En 2002, son code postal a même été supprimé.

«Le curé l’avait prédit»

N’étaient les tombes et les drapeaux étoilés, on passerait en trombe sur la route 42, sans même se douter qu’elle était jadis bordée de maisons, de bars et de magasins. De Centralia, et ses 1 000 habitants encore en 1981, il ne reste presque rien à voir… Seulement des gens bousculés par son histoire : des immigrés venus d’Europe qui avaient cru trouver là leur nouvelle patrie, des «touristes»