Kawtare Azirar apparaît derrière un nuage de laque. La jeune femme, tailleur noir et cheveux lâchés, est l'un des visages de Tamazight, la première chaîne de télévision berbère au Maroc, qui émet depuis début mars. Une chaîne publique. «Cela fait longtemps qu'on attendait ça. Je parle berbère, je suis ravie que les berbérophones aient enfin leur chaîne», commente la journaliste, sur le point d'enregistrer son émission hebdomadaire. Cette télévision était une des revendications du mouvement amazigh présent dans le pays depuis l'indépendance, en 1956.
C'est aussi la dernière initiative de l'Etat marocain pour désamorcer de possibles conflits sur la base d'identités régionales. «C'est la réparation d'une injustice, cela fait plus de quarante-cinq ans que nous réclamons que le tamazight ait une place dans les médias et dans l'enseignement», explique Rachid Raha, vice-président du Congrès mondial amazigh. En 2001, le Maroc crée l'Institut royal pour la culture amazigh. En 2003, la minorité obtient que le berbère soit enseigné au même titre que l'arabe, mais l'idée d'une télévision patine. Depuis 2006, les berbérophones ont droit à treize minutes de journal quotidien en tamazight et neuf émissions, pas plus. «Le modèle, c'est l'Etat-nation, centralisateur et homogène. Il n'y avait pas de volonté politique», estime Ahmed Assid, directeur de l'Observatoire amazigh des droits et libertés. Dans le Maghreb, c'est au Maroc que la minorité berbère est la plus im