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Libération
Interview

«Il n’y a pas de sociétés de contrôle total»

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Entretien avec Enzensberger
publié le 1er avril 2010 à 0h00

Aussi à l’aise dans le roman que dans la poésie, l’essai, le journalisme, la traduction ou le théâtre, Hans Magnus Enzensberger, né en 1929, représente une figure centrale du débat intellectuel allemand et européen.

Qu’est ce qui vous a fasciné dans la figure du général Hammerstein ?

Il n’y a, aujourd’hui, plus de blanc sur les cartes de géographie et il suffit d’entrer dans une agence de voyage pour que le monde entier vous appartienne. Le passé reste en revanche le terrain de l’inconnu. Ressusciter une telle figure représentait pour moi une exploration sociale et ethnologique. Enfant de la moyenne bourgeoisie cultivée, je ne connaissais pas le monde de l’aristocratie allemande. Certes, l’officier prussien, personnage très considéré dans la société allemande d’avant-guerre a aujourd’hui disparu. Mais la noblesse reste, avec ses codes, ses réseaux familiaux. Beaucoup vivent aujourd’hui dans des conditions modestes et il y a de grandes différences entre ceux qui ont encore «une maison» - c’est-à-dire un château à la campagne - et ceux que l’on appelle «l’aristocratie de l’étage», c’est-à-dire qui vivent en appartement. Mais la cohésion reste. Ainsi lors de la première présentation de ce livre à Berlin, une quarantaine de Hammerstein sont venus. Au début de mes recherches, ils étaient très méfiants mais j’ai réussi peu à peu à gagner leur confiance, ce qui m’a permis de consulter lettres et journaux personnels. Ils n’aimaient pas trop parler du passé, par pudeur, estimant que les leurs ont simplement fait leur devoir.

C’était donc possible de dire non ?

Il y a des sociétés totalita