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Libération
Critique

Le général qui refusa «l’ivresse» nazie

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De Berlin à Moscou, la saga des Hammerstein
publié le 1er avril 2010 à 0h00

Ce récit, il le définit simplement comme «une histoire allemande». C'est une histoire à bien des égards exceptionnelle, mais en même temps significative, que celle du général Kurt von Hammerstein-Equord, chef d'état-major général de la Reichswehr, qui, en 1933, lors de la prise du pouvoir par les nazis clame :«La peur n'est pas une vision du monde.» Un an après, il quitte ses fonctions. «L'histoire de votre famille m'intéresse car elle en dit long sur la façon dont on pouvait survivre sous le régime hitlérien sans capituler devant lui», écrit Hans Magnus Enzensberger dans l'un des dialogues imaginaires de ce livre inclassable.

De rigoureuses recherches biographiques - dépouillement d'archives inédites et entretiens avec des témoins - se mêlent à de brillantes digressions - des «gloses» - sur les tragédies allemandes du XXe siècle et à des conversations avec les morts, dialogues à la Diderot, l'écrivain et philosophe des Lumières qui depuis toujours fascine cet intellectuel polyglotte d'outre Rhin. Tout à la fois poète, essayiste, dramaturge, éditeur, Enzensberger n'a eu de cesse dans son œuvre prolifique (plus d'une soixante d'ouvrages en un demi-siècle) de porter le fer dans les grands débats de la conscience allemande et européenne. De la question du terrorisme à celle de la construction communautaire, en passant par la réforme de l'orthographe qu'il a dénoncée comme «une absurdité bureaucratique», ce septuagénaire, considéré c