Sous le soleil déjà très dur à cette époque de l'année, il avance. Imperturbable. Autour, un service d'ordre improvisé fait cordon. Cohue, piétinements, cris. «On veut la démocratie !» A Mansoura, grosse ville pateline du delta du Nil, ils n'étaient qu'une centaine à son arrivée une heure plus tôt. Ils sont désormais près de deux mille à se pousser pour l'apercevoir, simples curieux ou gonflés d'espoir. Sur son passage, les habitants se pressent aux balcons. D'autres prennent des photos avec leur téléphone. Mohamed El-Baradei, lui, continue de tracer sa route.
Quelques semaines après son retour remarqué sur sa terre natale, le prix Nobel de la paix 2005 a entamé sa mue. Le diplomate de carrière, hier peu à l'aise dans la foule, semble commencer à y prendre goût. «Il change, il apprend, il réalise que quelque chose est possible», commente-t-on dans son entourage, mesurant le chemin parcouru. Il n'aura fallu que peu de temps, sitôt fini son mandat à la tête de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qu'il a dirigé pendant douze ans, pour que Mohamed el-Baradei chamboule l'Egypte, dénonçant une démocratie en trompe-l'œil, fustigeant la corruption et le manque de libertés, responsables, selon lui, de la stagnation de l'Egypte et du reste du monde arabe. Pris de court par la virulence de cet opposant inattendu, le régime a lancé, via la presse officielle, une féroce campagne contre celui qui était présenté naguère comme un héros national pour s'être