Massamba Diop revient de loin. Ce pêcheur sénégalais de 38 ans a survécu à l'un des périlleux voyages en pirogue qui mènent les candidats à l'émigration clandestine aux îles Canaries. Un trajet de 1700 kilomètres vers l'archipel espagnol, qui est l'une des portes d'entrée des Africains en Europe. Quand ils arrivent, les migrants sont recueillis par la Croix-Rouge puis transférés en Espagne. Là, ils se taisent pour éviter l'expulsion. D'autres poussent jusqu'en Italie ou en Suisse, et plus rarement jusqu'en France : l'ancienne métropole coloniale est comparée par les Sénégalais à un «fond de marmite brûlé». A Paris ou Marseille, il n'y a plus rien à gratter.
Au Sénégal non plus. Les chalutiers étrangers, qui sillonnent les côtes depuis des décennies, ont épuisé la mer. «La pêche ne rapporte plus rien», se lamente le pêcheur Massamba Diop. Habitant de Yoff, un village adossé à l'aéroport de Dakar, il a investi tout ce qu'il avait dans son voyage pour l'Espagne. Quelque 650 000 francs CFA (1 000 euros), pour l'aller simple vers Tenerife. Massamba a embarqué avec 400 euros supplémentaires, une somme obligatoire et vérifiée par l'affréteur de la pirogue, pour que chaque passager puisse assurer seul son arrivée. Le pêcheur a réuni l'argent en vendant son fonds de commerce, sa petite pirogue de pêche, son moteur hors-bord et un radiocassette. Sa mère a complété en se séparant de ses quelques bijoux en or. Mais Massamba Diop est revenu au bout de onze jours, blanc d