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Libération
Interview

«Al-Qaeda en Irak est décapitée et éclatée»

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Jean-Pierre Filiu, chercheur à Sciences-Po :
publié le 21 avril 2010 à 0h00

Chercheur et spécialiste de l'islam contemporain, Jean-Pierre Filiu est l'auteur des Neuf Vies d'Al-Qaida (Fayard, 2009) et des Frontières du jihad (Fayard, 2006). Il explique pourquoi la disparition des deux dirigeants d'Al-Qaeda en Irak risque de lui porter un coup fatal.

Le Premier ministre sortant, Nouri al-Maliki, et l’état-major américain crient victoire après l’élimination d’Abou Omar al-Bagdadi et d’Abou Hamzah al-Mouhajer. Est-ce aussi votre avis ?

A bien des égards, l'élimination des deux principaux responsables d'Al-Qaeda en Irak, un peu plus d'un mois après les élections du 7 mars, marquées par une forte participation sunnite, représente la fin d'un cycle, ouvert par l'invasion américaine de mars-avril 2003. Al-Qaeda était à l'époque de la fin du régime de Saddam Hussein totalement absente d'Irak, où elle ne prit pied que par le renversement du régime baassiste, qualifié dans sa propagande de «grâce divine». Il a fallu l'impitoyable brutalité du jihadiste jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui pour s'imposer dans le champ de l'insurrection sunnite. Adoubé «émir» d'Al-Qaida en Irak par Oussama ben Laden en décembre 2004, Al-Zarqaoui laisse à sa disparition, en juin 2006, un vide béant. C'est ce vide que comble maladroitement Al-Mouhajer, commissaire politique égyptien dépêché à la demande de la direction centrale d'Al-Qaeda. Pour calmer les susceptibilités nationalistes irakiennes, Al-Qaeda promeut à ses côtés un jihadiste irakien, Al-Bagdadi, qui s'autoproclame «calife» sur Internet en octobre 2006.

Peut-on parler du début de la fin d’Al-Qaeda en Irak ?

C’est ce couple égypto-irakien qui tentait depuis plus de trois ans d’amortir les coups de la guérilla sunnite et nationaliste c