Menu
Libération
TRIBUNE

La porte-drapeau du Trocadéro

Article réservé aux abonnés
par Gilles Rozier, Ecrivain
publié le 22 avril 2010 à 0h00

J'avais dit : «Si la guerre est déclarée avant mon départ, je ne suis pas certain de partir ; si elle est déclarée après, je ne suis pas sûr de revenir.» C'était en septembre 1990, Saddam Hussein avait envahi le Koweit un mois auparavant, je venais de recevoir une bourse d'un an pour commencer mon doctorat de littérature yiddish à l'université hébraïque de Jérusalem, et Anne-Sophie m'avait dit : «Là où tu iras, j'irai.»

J’étais parti, elle m’avait suivi quelques semaines plus tard, le temps de prendre congé de son employeur. Avant notre départ, nous avions fait une fête durant laquelle nos amis nous avait offert un appareil photo dernier cri avec une télécommande pour nous photographier nous-mêmes.

La radio Kol-Israel passait en boucle une chanson qui disait «Milhamot lo korot bahoref» (les guerres n'ont pas lieu en hiver), un ami m'avait téléphoné le 14 janvier pour me dire «Une relation au Quai d'Orsay m'a confié que la guerre n'aurait pas lieu», et la guerre avait été déclarée le 16 janvier 1991. Malgré les pressions de nos familles, nous n'étions pas rentrés à Paris, et j'avais même reçu une lettre du doyen de l'université hébraïque pour me remercier de ma décision. Elle avait été simple à prendre. Après avoir professé mon attachement pour le pays, je ne me voyais pas, un matin, téléphoner à mon cousin Rami pour lui dire : «Je m'en vais, je te laisse à ta guéguerre moyen-orientale.» Dans la chambre étanche, nous avions