Ses nouveaux voisins sont là depuis deux ans mais Bob ne les connaît qu’à peine, juste un bonjour-bonsoir et des sourires aux enfants. Des relations courtoises mais distantes. Pendant un quart de siècle, la petite maison mitoyenne de celle de cet électricien de Barking, dans la banlieue ouvrière de l’est de Londres, avait été occupée par un contremaître des usines Ford, qui employaient jusqu’à 45 000 salariés. Il n’en reste aujourd’hui que 4000. La ville s’est vidée. De nouveaux arrivants, comme cette famille afro-caribéenne voisine de Bob, ont acheté les maisons des partants.
C'est une banlieue aérée, plutôt tranquille, où le prix du foncier est l'un des plus bas du grand Londres. Abbey Ward, la longue rue piétonne du centre de Barking, est envahie de fast-food hallal, de salons de coiffure afro, d'épiceries turques et de salles de billard albanaises. «Ils bouffent les allocations ou ils nous piquent les boulots et les maisons», martèle Bob, un quinquagénaire qui, cette fois, votera pour le British National Party, la formation d'extrême droite xénophobe et fascisante. «C'est un parti qui ne peut pas diriger le pays mais, au moins, il dit les choses comme elles sont», se justifie-t-il, un peu honteux au point de refuser de donner son nom. Jusque-là, il avait toujours voté Labour, comme bon nombre des électeurs de ce bastion prolétarien où les travaillistes, il y a encore une décennie, caracolaient en tête des scrutins avec plus de 60% des suffrages. La circo