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Libération
TRIBUNE

La mythologie française du droit d’ingérence

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par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
publié le 11 mai 2010 à 0h00

Dans un article récent (Libération, 24 mars), Bernard Kouchner affirmait une nouvelle fois ce qui s'est imposé depuis longtemps comme l'histoire officielle du droit d'ingérence : «Je me suis battu pour que le droit d'ingérence, inventé par les French Doctors, voie le jour. Nous en avons créé jusqu'au nom. Depuis sa naissance, je travaille pour que ce droit vive. J'ai soutenu sa consécration par l'ONU sous le nom de "responsabilité de protéger"». En réalité, ce que l'on appelle le «droit d'ingérence» n'existe pas, il n'a pas été inventé par les French Doctors, le nom lui-même était déjà utilisé depuis un siècle et demi, la responsabilité de protéger n'est pas la même chose, et ses créateurs rejettent explicitement le droit d'ingérence à la française.

Premièrement, on parlait déjà de droit d'ingérence, dans un sens général, au moins à partir de 1835 (Colletta, Histoire du royaume de Naples) et, dans le sens précis d'ingérence humanitaire, au moins à partir de 1885 (Fiore, Nouveau droit international public). Quant à l'expression «devoir d'ingérence», elle est apparue pour la première fois sous la plume de Jean-François Revel, dans un article de l'Express de juin 1979. Ce qu'ont fait Bernard Kouchner et Mario Bettati par la suite, à partir de la conférence de 1987 notamment, est qu'ils ont popularisé - et non créé - des expressions préexistantes.

Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une invention française. Les Américains sont autant conva