Juché sur un véhicule de l'avant blindé, un officier cherche à convaincre les manifestants antigouvernementaux, surnommés les «chemises rouges», en psalmodiant dans un micro. «Rentrez chez vous ! Ne faites pas de peine à vos parents. Il fait trop chaud pour être dehors», hurle-t-il avant de remercier les militants de leur compréhension. Quelques minutes plus tard, d'autres arguments, plus convaincants, retentissent : une volée de balles en caoutchouc tirée par des militaires vers la foule qui, à 200 mètres, barre l'avenue Rama IV. Suivie de rafales à balles réelles au-dessus des têtes. Surpris, les chemises rouges reculent, avant de se regrouper et de riposter à coups de lance-pierres et de fusées artisanales bourrées de poudre.
Sniper.«Les militaires veulent nous écrabouiller. Nous n'avons pas d'armes mais ils nous tirent dessus. Nous aimons la démocratie», vitupère un adolescent dépenaillé. Ce jeu du chat et de la souris s'est poursuivi jusque tard dans la soirée dans le centre de Bangkok, après que les militaires ont lancé, jeudi, leur opération d'encerclement du quartier commercial Rajprasong, où, entre malls immaculés et piliers géants du métro aérien, les chemises rouges ont établi leur campement depuis six semaines.
Après une journée de fusillades et d'explosions de grenades, le bilan est lourd : dix morts parmi les manifestants, et au moins 125 blessés dont trois journalistes (lire ci-dessous). Jeudi soir, le stratège militai