Menu
Libération

Journal d’une défaite en Colombie

Article réservé aux abonnés
La Semaine d'Hector Abad Faciolince.
par Héctor Abad Faciolince
publié le 5 juin 2010 à 0h00

Samedi

Philosophe en campagne

Cela fait trois jours que j'écris des articles dans différents journaux et pas seulement pour le mien (El Espectador). Dans tous, j'ai assumé une position très claire en faveur de la candidature à l'élection présidentielle de deux personnages excentriques : deux mathématiciens qui abordent la politique de façon très étrange - ce sont des enseignants, et ils ne veulent pas dire de mensonges. Le premier tour a lieu demain et leurs mots d'ordre fondamentaux (la légalité, la justice, la vie, l'éducation) semblent gagner de plus en plus d'adeptes. Selon Platon, le philosophe - le sage qui aime et défend la vérité envers l'opinion - est le gouvernant idéal de la République. Le candidat à la présidence Antanas Mockus (Parti vert) a étudié la philosophie à Dijon, et son colistier, Sergio Fajardo, est docteur en logique mathématique de l'université du Wisconsin. Pendant leur campagne, les deux professeurs se comportent de façon étrange : ils disent la vérité. Ils disent qu'ils vont augmenter les impôts, qu'ils ne savent pas combien d'emplois ils pourront créer, qu'ils sont agnostiques… Chaque vérité prononcée leur fait perdre des votes. Et la sale propagande augmente : on appelle Mockus «Satanas», «l'athée». Leur rival, Juan Manuel Santos, l'ex-ministre de la Défense du président Uribe est au contraire le typique candidat de l'establishment : son cousin est vice-président, il est propriétaire du plus grand journa