Menu
Libération

Des «bébés volés» de la dictature fuient la justice

Article réservé aux abonnés
par Mathilde Guillaume, Correspondante à Buenos Aires
publié le 10 juin 2010 à 0h00

Les méthodes de la justice argentine pour solder les comptes de la dictature (1976-1983) vont-elles trop loin ? Le débat fait rage à Buenos Aires, après une perquisition musclée au domicile de deux présumés «bébés volés» durant cette période. Marcela et Felipe Herrera Noble, adoptés en 1977 par Ernestina Herrera de Noble, la directrice du tentaculaire groupe de presse Clarín, ont été interpellés dans la rue, forcés de faire entrer sept policiers dans leur appartement, et contraints de se déshabiller entièrement devant eux pour leur remettre leurs sous-vêtements.

Le but de l'opération ? Collecter leur ADN contre leur gré. L'affaire commence en décembre 2002, lorsque les Grands-mères de la place de Mai demandent l'ouverture d'une enquête judiciaire visant à prouver que Marcela et Felipe sont enfants de disparus. Cinq cents bébés ont en effet été volés à leurs parents, opposants au régime, pour être élevés par des familles d'accueil souvent proches de la junte militaire. Les Grands-mères de la place de Mai en ont retrouvé 102 à ce jour, qui tous ont participé activement à ce difficile processus qu'est le recouvrement de son identité biologique à l'âge adulte. Tous ont accepté de comparer leur ADN avec la base de données de l'association. Marcela et Felipe ont dès le début refusé de participer à cette quête, arguant de leur droit inaliénable à protéger leur identité : «Nous savons depuis le premier jour que nous avons été adoptés, dans un acte d'amour, et n'avons pas le désir