Au poste de Premier ministre, il n'y avait pas pire candidat. Mais pour sauver l'Angleterre, il était le seul. Winston Churchill, que le roi a nommé le 10 mai dernier, arrive au pouvoir décoré d'une série d'échecs. Il est imprévisible, cyclothymique, irréaliste, fantasque, colérique. Il boit trop, il fume trop, il parle trop, il rêve trop. Il a toujours vu le monde tel qu'il le voulait et non comme il était. Mais justement. Au moment où l'Europe tombe sous le joug d'une barbarie inédite, le réel est désespérant. Un raisonnable échouera à coup sûr. Seul un rêveur peut réussir. Pour ramasser le flambeau brisé de la liberté, il fallait Winston Churchill. Déjà le gouvernement de la Grande-Bretagne a été bouleversé. Depuis sa nomination, Churchill impose à ses ministres et à ses conseillers un mode de vie loufoque. Il se couche tard : les ministres sont convoqués à minuit ou à 2 heures du matin pour recevoir une algarade, essuyer un feu roulant de questions. Le matin, le Premier ministre dort, ou il reprend sa tâche, dopé au whisky-soda. L'après-midi, il s'interrompt pour une heure de sieste, quoi qu'il arrive. Ce qui lui permet de repartir à l'assaut jusque tard dans la nuit, ragaillardi par un repas pantagruélique arrosé de plusieurs vins et de cognac. Il bombarde l'administration de notes comminatoires. De ce feu continu sortent les propositions les plus baroques sur la défense civile, les services secrets, les offensives navales ou les projets d'armes nouvelles. En plein désa
PORTRAIT
The right man
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Winston Churchill, Gare du Nord le 22 août 1948. (AFP)
par Laurent Joffrin
publié le 18 juin 2010 à 0h00
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