Roger McGowen a maigri depuis notre dernière visite au parloir à la mi-février. Il n'a pas bonne mine. Pire : son moral n'est pas brillant. Pourtant, son avocat lui a annoncé récemment qu'il échappera sans doute à la peine de mort, la cour d'appel fédérale ayant émis un arrêt en ce sens (Libération du 30 mars). McGowen pourrait même obtenir à terme une commutation de sa sentence en prison à vie et, pourquoi pas, être libéré sur parole. Il nous raconte dans sa chronique (pages suivantes) l'euphorie qui l'avait saisi. Qu'est-ce qui cloche, alors ?
Il tourne longtemps autour du pot. Invoque une maladie osseuse tout juste diagnostiquée par le médecin de la prison (mais pas encore soignée), qui le fait souffrir, l'empêche d'effectuer ses exercices physiques, et trouble sa digestion. Il déplore que la visite promise à l'hôpital pénitentiaire soit sans cesse repoussée. Avec un petit sourire, il lâche : «J'espère que mon corps va tenir le temps nécessaire.» Il entend par là : le temps qu'il reste jusqu'à une éventuelle libération. Donc, il y croit. Pourquoi ne montre-t-il pas plus d'enthousiasme ?
«Je ne suis pas préparé.» Il baisse les yeux et sa voix tremble un peu. «Attention, hein, je veux toujours sortir, être libre. Ce que j'appréhende, c'est ce qui va se passer avant. Je devrai quitter ce couloir de la mort où je vis à l'isolement presque total depuis vingt-trois ans. J'ai peur de passer dans une autre prison, peur des autres, de la perte d'intimi