Menu
Libération
TRIBUNE

Au Kirghizistan, les impasses de l’aide à la démocratie

Article réservé aux abonnés
par Boris PETRIC, Anthropologue (Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain)
publié le 24 juin 2010 à 0h00

Labélisé «Suisse de l’Asie centrale» ou «îlot démocratique», le Kirghizistan jouissait, il y a encore peu, d’une réputation sans équivalent. Ce jeune Etat, considéré comme le meilleur élève par les donateurs internationaux, a été le plus aidé de la région pour se réformer. Agences de coopérations occidentales, organisations et ONG internationales y ont largement copiloté les évolutions politiques en faisant la promotion d’une démocratisation à la Wilson et d’une libéralisation économique. Avec un tel soutien, comment ce pays a-t-il pu sombrer dans un chaos débouchant sur les violences qui secouent le sud du pays ?

Les pogroms ethniques visant les Ouzbeks sont en partie liés au fonctionnement politique de gouvernance mondialisée qui s’est mis en place à la sortie de la guerre froide. Kirghiz et Ouzbeks sont étroitement liés par de multiples échanges sociaux dans la région d’Och et partagent une proximité culturelle. L’ethnicité n’est pas un problème en soi, mais des conflits peuvent intervenir lorsque le système politique instrumentalise l’ethnicité. Il entraîne une inégalité entre les citoyens aussi bien dans la distribution du pouvoir politique, culturel qu’économique.

L’indépendance, acquise en 1991, consacre un type de représentation politique où la valorisation de l’appartenance ethnico-nationale légitime la suprématie des Kirghiz. Le président Akaev (1991-2005) mène une politique de kirghizification qui touche aussi bien l’appareil politique que la privatisation de l’écon