Menu
Libération
grand angle

«Ai-je l’air joyeux ?»

Article réservé aux abonnés
Cet anniversaire donne au vieux Madabo l’occasion de revenir sur le passé. D’où s’ensuit une certaine déception.
par Abasse NDIONE
publié le 9 juillet 2010 à 0h00

Assis en tailleur sur sa natte à l’ombre du neem planté au milieu de la cour, la main posée sur le menton, le vieux Madabo Diop semblait dépassé. Il n’écoutait même pas les paroles qui sortaient du transistor à ses pieds retransmettant le défilé du cinquantenaire de l’indépendance organisé à Dakar sous la présidence effective du chef de l’Etat. Madabo se demandait encore ce qu’il fallait faire de sa récolte. La traite arachidière s’achevait, il n’avait pu vendre que cinq cents kilos de graines non décortiquées à des opérateurs privés et il lui restait encore sous les bras un peu plus de trois tonnes. Qu’allait-il en faire ?

Le jour du référendum

Au début de la traite, le sous-préfet, en tournée dans le village, avait recommandé aux habitants d’acheter des presses importées d’Inde, subventionnées par le gouvernement, qui leur permettraient d’extraire de l’huile des tourteaux. Une dizaine de villageois, dont Madabo, avaient payé des machines. Pendant quelques semaines, sa maison était transformée en huilerie, ses trois fils se relayaient à la presse. Le produit, presque deux fois moins cher que l’huile végétale, se vendait fort bien sur le marché. Chaque jour, deux bidons de vingt litres étaient vendus sans peine en ville. Mais un beau jour, le même sous-préfet qui les avait poussés à acheter les presses, accompagné de deux policiers en tenue de combat, armés de fusils, était revenu confisquer les machines. Parce que, avait-il expliqué, l’huile extraite des graines d’arachide co