Qu'a fait l'Afrique de sa France ? C'est la question que se pose Stephen Smith, en ce cinquantenaire des indépendances, dans Voyage en postcolonie,un long reportage doublé d'un bilan analytique. Ex-journaliste à Libération et auMonde, Smith est allé repérer, non pas les survivances de la France en Afrique mais ce que l'Afrique a fait de son passé colonial. Avant tout une langue, dont le nouchi, l'argot ivoirien, est l'une des créations les plus inventives, mais aussi une certaine convivialité, une vision du droit et un sens poussé de la bureaucratie.
Dans cette tournée, Stephen Smith visite quatre pays d’Afrique de l’Ouest (cinq même tant la Côte-d’Ivoire est coupée en deux entre son nord et son sud) et trois d’Afrique centrale. Ce sont les restes de ce qu’il appelle l’Etat franco-africain, et non pas de la Françafrique, qui n’est pour lui qu’une forme dégénérée de cette quasi-fusion qui s’est opérée après les indépendances entre les anciennes colonies africaines et la mère France.
Une seule exception à cet inceste géopolitique : la Guinée de Sékou Touré, qui avait dit non au général de Gaulle en 1958, et qui l’a payé cher. Un ostracisme de deux décennies, qui l’a jetée dans les bras de l’URSS, la Chine et la Corée du Nord, avec le succès que l’on connaît. Outre la Côte-d’Ivoire, dans laquelle il voit la France de l’Afrique de l’Ouest, Smith voue à la Guinée et à son désastre permanent une tendresse particulière. Il gratifie son lecteur d’un