Marie-Pierre Allié, présidente de Médecins sans frontières, vient d’effectuer un voyage au Niger.
Quelle est la situation ?
Le pays traverse actuellement une grave crise alimentaire, qui était prévisible dès la fin 2009, à cause des mauvaises récoltes dues à la sécheresse. Les enquêtes les plus récentes montrent que 16,7% des enfants de six mois à 5 ans souffrent de malnutrition aiguë, cela signifie 360 000 enfants. Les problèmes se concentrent dans le sud du pays, les régions de Zinder et Maradi, c'est-à-dire ce qu'on appelle la «zone verte» où se concentre la production agricole. Mais nous manquons de données fiables dans le nord, où l'accès reste compliqué [à cause de l'insécurité, ndlr].
Peut-on parler de famine ?
C’est un mot que nous préférons manier avec précaution. Nous ne sommes pas dans une situation comme celle du Sud Soudan en 1998. La situation est grave. Mais faut-il dramatiser pour obtenir une réponse adéquate ?
Est-on dans une situation comparable à 2005 ?
C'est difficile à dire : les critères de l'Organisation mondiale pour la santé (OMS) sur la malnutrition ont évolué, ce qui a conduit à une multiplication des cas. La première différence notable, c'est l'attitude des autorités, qui étaient dans le déni en 2005, alors que le nouveau pouvoir issu du coup d'Etat [en février 2010, ndlr] a immédiatement reconnu que la situation était critique et lancé un appel à l'aide. Deuxièmement, les choses se sont beaucoup améliorées depuis 2005. La gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans a été décrétée. Les protocoles de prise en charge ont