Il offrit un empire à Corto Maltese prisonnier qui le refusa, mais, magnanime pour une fois, le «Baron fou» le laissa repartir dans la steppe en lui disant simplement : «Si l'occasion se présente, rappelez au monde que j'avais un destin tragique.» Son sort était scellé, et il le savait, lui qui adorait s'entourer de devins, lamas et chamans. Roman Fedorovitch von Ungern-Sternberg rencontre le héros de Hugo Pratt dans la Sibérie ravagée par la guerre civile entre rouges et blancs, à mi-parcours de l'album Corte Sconta detta Arcana (Corto Maltese en Sibérie), titre qui se réfère à une mystérieuse cour du vieux ghetto de Venise où s'ouvre une porte «menant à des endroits merveilleux et à d'autres aventures». Le père du célèbre marin et «gentilhomme de fortune» ne pouvait qu'être fasciné par la brève et sanguinaire épopée de ce général blanc et commandant de la division de cavalerie asiatique qui se voyait comme une réincarnation de Gengis Khan. Il voulait balayer le bolchevisme et l'Occident décadent par une «contre-révolution encore plus terrible que leur révolution», mais il finit fusillé par les bolcheviks en septembre 1921 après un procès expéditif.
Le nom de ce baron balte - descendant des chevaliers teutoniques et général russe devenu prince mongol - aurait probablement été oublié, envolé avec la poussière des déserts de l'Asie centrale, si un témoignage ne lui avait assuré pour la postérité une bonne place parmi les grands déme