Géostratège et spécialiste des conflits, Gérard Chaliand (1) était opposé à une intervention fondée sur des mensonges à propos des armes de destruction massive.
Cette guerre a-t-elle été gagnée ?
Cela dépend pour qui. Les néoconservateurs de l'administration de George W. Bush voulaient remodeler le grand Moyen-Orient : l'intervention irakienne devait être le premier acte, la tentative d'installer la démocratie et un pouvoir favorable aux intérêts américains dans un pays très peuplé qui avait à la fois de l'eau et du pétrole. Il s'agissait ensuite de passer à l'adversaire principal, l'Iran, en y favorisant un changement de régime. «La route de Jérusalem passe par Bagdad», aimait à répéter Paul Wolfowitz, le grand inspirateur de cette politique, soulignant que le problème israélo-palestinien serait réglé par un changement dans toute la région. De ce point de vue, la guerre en Irak a été un fiasco. Si l'on considère celui des Irakiens - ou du moins de la grande majorité d'entre eux -, la donne change. Pour les chiites, largement majoritaires, opprimés sous l'empire ottoman, le mandat britannique, la monarchie puis le Baas, l'intervention américaine a été une divine surprise. Pour les Kurdes, c'est la meilleure opportunité politique depuis quatre-vingts ans d'être enfin libres de s'organiser en disposant d'une réelle autonomie. Seuls les Arabes sunnites, jusque-là dominants et qui représentent quelque 20% de la population, ont été perdants. Ils furent le terreau d'une rébellion alimentée par les erreurs r