L’Europe politique est-elle devenue un scénario impossible ? La fenêtre d’opportunité, grande ouverte au cours des années 90, s’est refermée : les énergies se sont épuisées au fil des échecs des négociations, la flamme est presque éteinte.
Une «première République européenne» peut encore voir le jour, pourtant. Elle se fera à traité constant : aucune renégociation d'envergure n'est plus envisageable dans l'Union à 27. Elle ne viendra pas des gouvernements. L'euro-fatigue a gagné jusqu'aux pays fondateurs. Elle ne viendra pas non plus de la Commission. Outre sa faiblesse actuelle, la Commission, fondamentalement, ne veut pas de l'Europe politique. Michel Barnier, alors Commissaire européen, avait exprimé ce déni démocratique de manière brutale en 2002 lors de la négociation du traité constitutionnel européen : pour pouvoir continuer à défendre l'intérêt général européen, la Commission, avait-il dit, doit rester «non partisane» et «à l'abri des passions citoyennes». Au-dessus des partis et sans compte à rendre aux citoyens : c'est le gouvernement des experts contre la démocratie. La Commission théorise ainsi les institutions européennes actuelles, une construction soi-disant sui generis, oubliant que cette «Europe technique» n'a été conçue par les pères fondateurs que comme une première étape transitoire vers l'Europe politique.
Gouvernements, Commission : les moteurs historiques - diplomatique, technocratique - de la construction européenne ont cassé.