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Grand angle

Haïti, papiers zombis

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Le séisme du 12 janvier a dévasté les registres d’état civil déjà dégradés et a encouragé les demandes de passeport sous de fausses déclarations d’identité.
publié le 30 août 2010 à 0h00

Presque six mois maintenant qu’une queue se forme à l’aube dans le quartier Bicentenaire aux Archives nationales de Port-au-Prince. Elle serpente dans une rue et se perd dans une autre. Il y a là, selon les jours, 600 à 700 personnes. Sous une chaleur accablante, elles attendent, devant ce bâtiment qui a résisté au séisme, un certificat d’état civil qui leur permettra de solliciter la délivrance d’un passeport.

Roland Chavannes, directeur de l'Emigration, est au bout du rouleau : «Comment voulez-vous qu'on s'en sorte, il y a des gens qui changent de nom en ayant trouvé un autre dans les extraits des archives, ou alors s'en attribuent un troisième en tombant dessus dans les décombres.» Les faux passeports «ont toujours beaucoup fleuri, mais depuis le tremblement de terre, c'est presque deux récoltes par an», soupire un fonctionnaire. L'ambassade de France dit en avoir «un sac postal» plein. Les demandes de visa dans les délégations européennes sont depuis six mois regardées avec un soin tatillon à la lumière des innombrables substitutions d'identité.

Marie-Célestine est dans la file d'attente depuis trois semaines : «Je n'en peux plus. Il manque toujours une pièce. Je crois que je vais abandonner. Je voulais rejoindre une tante en Floride.»Roland Chavannes a écrit, dit-il, «maintes fois au ministère de l'Intérieur», lui aussi totalement désorganisé, pour obtenir «des fonctionnaires supplémentaires». Dix-huit d'entre eux reço