Historien et spécialiste de l’islam contemporain, Jean-Pierre Filiu est professeur associé à Sciences-Po et rattaché à la chaire Moyen-Orient-Méditerranée. Il est l’auteur des Neuf Vies d’Al-Qaeda (Fayard 2009) et de l’Apocalypse dans l’islam (Fayard 2008).
Comment réagissez-vous à cet autodafé du Coran ?
D’abord, même s’il est impossible de comparer la terreur de masse d’Al-Qaeda et la violence symbolique du pasteur Jones, on peut établir un parallèle entre ces formes de manipulation médiatique : dans les deux cas, on est en présence d’une secte d’illuminés, d’un groupuscule qui prend en otage toute une communauté, quelles que soient les divergences et les rivalités qui traversent celle-ci. Dans les deux cas, nous avons un effet de loupe grossissante qui fait qu’il n’y a plus que cette affaire qui compte. Par cette mécanique, des gens, qui ne représentent rien et que personne ne contrôle, se retrouvent tout à coup au centre de l’actualité.
Comment la Maison Blanche a-t-elle géré cette affaire ?
Il y a eu, heureusement, une anticipation des retombées d’une telle provocation. Les responsables américains ont agité la menace d’un embrasement pour éviter de le voir se produire.
Le plus intéressant dans la mise en garde solennelle de Barack Obama est qu’elle rappelle son discours prémonitoire d’octobre 2002, lorsque l’administration de George W. Bush préparait l’invasion de l’Irak. Il a compris que ce sera une aubaine pour Al-Qaeda. C’est le cœur de son raisonnement et de son message. Il s’est emp