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Portrait

7 / Pixo, le mur des leçons

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Simple tag venu des marges et de la contre-culture, le «pixo» se politise sous l’impulsion de jeunes casse-cou qui tentent d’en faire un vrai mouvement de contestation.
(Ludovic Carème)
par Chantal Rayes, SAO PAULO, de notre correspondante
publié le 28 septembre 2010 à 0h00

Dans la nuit de São Paulo, un jeune homme torse nu est suspendu au toit d'un immeuble d'une quinzaine d'étages. Eduardo Arimura est taggeur, pichador en brésilien. Lui et sa bande, opportunément baptisée «Les Gonflés», sont entrés par effraction dans l'édifice pour tagger le sommet de la façade. Sur le toit, l'ambiance est tendue. Eduardo est dans une position d'équilibriste. Il peut être surpris à tout moment. Le geste est sûr et rapide. Le rouleau de peinture noire à la main et la tête à l'envers, il trace son tag de bas en haut: Ação (action), assorti de sa signature, «Du». Les autres n'auront pas le temps de laisser leur marque. Des cris. Interceptés, les pichadores s'enfuient en un clin d'œil, mais l'un d'eux sera arrêté.

«Sous-monde». Mouvement illégal de contre- culture apparu dans les années 80, le pixo ou tag est le moyen d'expression de la jeunesse défavorisée de São Paulo. C'est un cas à part dans le phénomène mondial de l'art de rue. Les quelque 7 000 groupes locaux de pichadores ont créé un style à eux. Tournant le dos à l'esthétique dominante du graffiti new-yorkais, ils se sont inspirés des lettrages gothiques des pochettes de disques de heavy metal. Leurs écritures - en général, le nom du groupe auquel ils appartiennent - ont envahi la mégalopole brésilienne à une échelle jamais vue ailleurs. L'audace de leurs méthodes est tout aussi inédite. «Notre démarche est transgressive et libertaire,