De Bichkek, la capitale de l'ex-République soviétique du Kirghizistan, à Och, la plus grande ville du sud du pays, la route est longue et sinueuse. Dans le taxi collectif, les trois passagères kirghizes parlent d'une même voix : «Vous verrez, tout est calme maintenant là-bas, on vit normalement.» Derrière les vitres de la voiture, les montagnes enneigées du nord cèdent la place à une plaine jaunie par le soleil. Et Och, enfin. Plus de trois mois après les affrontements interethniques qui ont fait plusieurs centaines de morts et de blessés, les voitures se font comme autrefois la course en centre-ville, les vendeurs de pain et de viande grillée ont repris leur place, et les boutiques rouvrent leurs portes. Pourtant, les Ouzbeks, victimes majoritaires des violences de juin, sont peu visibles. La plupart des réfugiés, en Ouzbékistan voisin ou à la frontière, sont rentrés et les camps ont été démantelés, mais nombre d'entre eux vivent toujours retranchés dans leurs quartiers endommagés.
A Tcheriomouchki, à l'ouest de Och, la rue se perd dans un nuage de poussière, bordée à gauche comme à droite par des tas de gravats, de sable et de briques. Les matériaux ont été apportés par les ONG, qui supervisent la reconstruction. Dans le jardin de Sadatran, une tente fournie par le Haut-Commissariat aux réfugiés occupe tout l'espace. De la maison, il ne reste que des murs calcinés. «Je vis ici depuis cinquante ans, raconte la vieille femme. En juin, quand la maison a c