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Libération
Enquête

Un génocide dans le dossier du doc

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Sosthène Munyemana, ce médecin rwandais, aujourd’hui urgentiste à Villeneuve-sur-Lot, est-il le «boucher» de Tumba ? Amis, anciens patients et collègues témoignent alors que la France vient de reporter sa décision sur l’extradition.
publié le 9 octobre 2010 à 0h00

Le Petit Prince est un hôtel moderne mais discret, non loin du centre-ville de Butare, au sud du Rwanda. On y croise peu de touristes. Mais, depuis quelques mois, quatre Français y effectuent des séjours réguliers : ce sont deux juges du tribunal de grande instance de Paris, Fabienne Pous et Michèle Ganascia, accompagnées de leurs deux enquêteurs.

Seize ans après le génocide des Tutsis du Rwanda, les deux magistrates ont enfin pu se rendre dans ce minuscule pays africain pour faire la lumière sur des crimes commis entre avril et juin 1994. Trois mois au cours desquels près d'un million de personnes ont péri, victimes d'un véritable nazisme tropical qui stigmatisait l'ethnie minoritaire, les Tutsis, comme «l'ennemi de l'intérieur». Tous les Hutus qui refusaient la logique extrémiste ont eux aussi été impitoyablement pourchassés et assassinés. Dans la seule préfecture de Butare, il y aurait eu près de 350 000 morts pendant ces semaines tragiques.

Les images qu’on garde du Rwanda sont souvent celles de hordes de paysans munis de machettes, massacrant leurs voisins avec une férocité inégalée. C’est oublier le rôle de nombreux notables, hauts fonctionnaires, intellectuels, qui ont instrumentalisé la peur, donné des ordres et orchestré les massacres. Dans ce pays extraordinairement structuré où, hier comme aujourd’hui, l’administration se déploie telle une toile d’araignée, contrôlant tous les échelons de la vie locale, le chaos des tueries n’était qu’apparent.

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