Les triporteurs des pêcheurs s'alignent sur le quai, en aplomb des bateaux. A l'arrière, les prises de la matinée : une poignée de poulpes et des congres tachetés. C'est dimanche et Clemente Ventrone, ancien pêcheur de thon rouge, arpente l'embarcadère en taquinant le céphalopode, sur les étals. Il attend le ferry qui déversera, pour la journée, les touristes venus de Sicile. Son bateau, amarré à Punta Lunga, l'autre port de l'île de Favignana, est fin prêt pour prendre la mer. Dans une heure, il embarquera ses visiteurs pour un giro, un tour en bateau autour de l'île. «Quelque chose d'assez simple» où le pêcheur renoue, un peu, avec son premier métier : il remonte quelques fritures, les cuisine et les fait goûter à une petite dizaine de touristes.
Cette activité est désormais son unique source de revenus. Elle est nettement moins grisante que la mattanza, l'ancestrale mise à mort des thons rouges qu'il a pratiquée des années durant. Cent jours de sueur et de sang. «Nous attendions tous que le mois de mars arrive, se souvient Clemente Ventrone. On commençait par réparer les filets, impatients d'aller en mer. Puis on les mettait à l'eau le mois suivant.» Sept kilomètres de labyrinthe servant à piéger les bancs de thons rouges qui longent au printemps les côtes siciliennes. Au terme du périple, la «chambre de la mort». Pas d'issue possible. A la surface, les harpons des pêcheurs.
Celui qui fut le premier à organiser les tours